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La création au 17ème siècle

Les premières réalisations remontent aux années 1630. Depuis plusieurs années, Henri de Séguiran, Premier Président de la Cour des Comptes Aides et Finances de Provence, nommé par le Cardinal de Richelieu Lieutenant général des mers du Levant, Seigneur de Bouc et propriétaire du Castel qui surmonte encore le village, achète des terres au creux du vallon qui y monte. Il y canalise des sources capables d’arroser ses premières plantations, potagers et vergers puis d’alimenter ce qu’il imagine peut-être déjà comme un grand Jardin agrémenté de bassins et de fontaines.


Le grand canal, alimenté par 13 mascarons de pierre, figure de la rivière domestiquée et formidable réserve d'eau pour l'arrosage. Photographie : Eric Spiller Photographies de Provence et d'ailleurs

Il commence par des réalisations modestes : potager, treillages, petits bâtiments d’agréments.

C’est probablement vers 1640 qu’il lance la réalisation des jardins tels que nous les connaissons encore. Un mélange d’influences italiennes dans l’esprit des réalisations de la Renaissance, du regard et des végétaux propres à la Provence et du goût et des techniques de son temps qui font émerger un jardin unique en Provence.

Réalisé en 1680, l’inventaire de succession de Raynaud, fils d’Henri de Séguiran, décrit très exactement l’essentiel des Jardins qui existent encore : extraordinaire permanence sur trois siècles et demi.


L’allée et son grand portail Louis XV qui prolongeront au 18ème siècle les jardins au sud vers la route royale. Photographie : Eric Spiller Photographies de Provence et d'ailleurs

Comme toujours en Provence, l’utile se joint à l’agréable avec de nombreux bassins, réserves d’eau pour l’arrosage, dans un temps où l’agriculture est la première source de richesse et où l’aristocratie provençale se passionne pour les techniques agricoles.

C’est ensuite une composition classique autour d’un grand axe de perspective que les Albertas, au 18ème siècle, prolongeront vers le Sud, le grand portail baroque puis les jardins du bas autour de l’actuelle bastide située de l’autre côté de la Route Nationale.

Essayons d’imaginer l’énorme travail de terrassement qui permis cette composition en terrasses dans les deux axes Est-Ouest et Nord-Sud.

Comme toujours, ces jardins sont d’abord une importante infrastructure qui « ne se voit pas » : mouvements de terre, galeries d’amenée des eaux, conduites et drains pour préserver la qualité des terres, citernes souterraines pour stocker l’eau et permettre l’alimentation des jets d’eau et fontaines.

Dès cette première époque apparaissent le grand canal et ses treize mascarons qui distribuent l’eau, la grotte à l’italienne couverte de concrétions calcaires et de coquillages dont les sept statues des planètes ont depuis disparues. Mais aussi les parterres, le grand bassin aux 8 tritons comme les quatre statues monumentales représentant Hercule, David et sa fronde, le Dieu Mars et le Gladiateur Borghèse.

C’est probablement Henri-Reynaud d’Albertas, petit-fils de Raynaud de Séguiran, puis son fils Jean-Baptiste d’Albertas qui agrandirent les Jardins vers l’ouest, jusqu’au portail Louis XV créé en même temps que la route royale était déviée à cet endroit (1735).


Les Jardins d’Albertas - Plan de 1751. Sur la gauche la grande allée créée au 18ème siècle rejoignant la route royale. Au fond à droite on distingue clairement l’emplacement d’un château qui ne sera jamais réalisé

Aux origines

C’est au milieu du 14ème siècle que la famille d’Albertas, venant d’Italie, s’établit à Apt en Provence.

Encore aujourd’hui, dans cette ville, l’Hôtel Colin d’Albertas témoigne de cette histoire.

Rapidement les Albertas s’installent à Marseille et se lancent dans le négoce maritime en Méditerranée. Grâce aux arrêts royaux autorisant dans les grands ports maritimes la noblesse à « faire commerce » sans déroger, ils développent leurs affaires au 15ème siècle dans le commerce des épices puis du corail avec la fameuse Compagnie du Corail au 16ème siècle.

Jusqu’à la fin du 17ème siècle ils occupent les plus hautes fonctions de la Ville de Marseille (Consuls, Premier Consul) et représentent à plusieurs reprises les intérêts de la noblesse provençale auprès du Roi.

Les cadets deviennent officiers de marine, Chevaliers et dignitaires de l’Ordre de Malte.


L’hôtel de ville de Gemenos, anciennement château d’Albertas. Photographie Rémi Davin

Au milieu du 16ème siècle ils acquièrent puis agrandissent la terre de Gémenos, à l’ouest de Marseille, qui restera dans la famille jusqu’en 1850 (leur château est l’actuel Hôtel de ville de Gémenos).

Le parc à la française et à l’anglaise que Jean-Baptiste d’Albertas y crée au 18ème siècle sera exceptionnel. Le Prince de Ligne, grand amateur de Jardins, le cite en 1786 comme « un des dix plus beau parc d’Europe ». Il en reste le très beau vallon de Saint Pons à découvrir notamment au printemps.


C’est le mariage en 1673 de Marc-Antoine d’Albertas avec Madeleine de Séguiran qui marque un nouveau virage. Capitaine de Vaisseau, il mourra en 1684 des suites de ses blessures en combat naval. Marc-Antoine épouse ainsi l’héritière d’une grande famille d’administrateurs et de parlementaires. Seigneurs de Bouc et Premier Président de la Cour des Comptes, Aides et Finances de Provence à Aix-en-Provence, ils transmettront ce marquisat comme cette importante charge aux Albertas qui l’exerceront jusqu’à la Révolution.

C’est donc durant le 18ème siècle que la famille d’Albertas ajoutera à son Château de Gémenos sa prestigieuse résidence de l’Hôtel d’Albertas à Aix-en-Provence. Sur une ancienne demeure venue des Séguiran, Henri-Reynaud puis Jean-Baptiste d’Albertas édifieront un des plus beau Hôtels particulier d’Aix, mis en valeur par la création de la Place d’Albertas.


La place d’Albertas à Aix En Provence. Photographie Emile Lombard

Le 14 juillet 1790, Jean-Baptiste d’Albertas est assassiné à Gémenos lors d’un banquet offert à la Garde Nationale en l’honneur de la fête de la Fédération. Son fils, Jean-Baptiste Suzanne sera nommé Préfet des Bouches-du-Rhône à la restauration par Louis XVIII, puis fait pair de France en 1815. Amoureux de ses jardins, « sa tabatière », il veille aux travaux d’amélioration avec son fils Alfred.

En 1949, Jean d’Albertas entame, après un siècle de semi-abandon, une campagne de restauration qui sauvera l’architecture des jardins. En 1960, les jardins sont inscrits à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.


Bientôt quatre siècles

Depuis les années 1960, Henri, Olivier et Marie-Christine d’Albertas ont poursuivi l’entretien des jardins.

En 1990, Olivier, Bruno, Daniel Latil d’Albertas et leurs épouses Guylaine, Danièle et Nathalie poursuivent cet effort pour en assurer la restauration et la transmission comme leur ouverture au grand public avec le soutien du Ministère de la Culture, du Département des Bouches-du-Rhône, de la Métropole Aix-Marseille Provence comme de mécénats privés. En 1993 les Jardins ont été classés Monument Historique.